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Montée des eaux : plaidoyer pour revoir la planification du territoire

La montée des eaux est un des effets du dérèglement climatique.

Pendant que le pays était en alerte trois à cause du cyclone intense Freddy, plusieurs zones côtières au nord et à l’est ont été la proie de la montée des eaux. Cette situation risque de devenir récurrente à cause du dérèglement climatique. Des experts plaident pour une nouvelle planification de notre territoire. Car les zones côtières seront de plus en plus touchées durant les années à venir. 

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L’heure est grave. À cause du dérèglement climatique, Maurice est vulnérable. Fabrice David, ingénieur en environnement et parlementaire, explique que le niveau de la mer monte année après année. « Le niveau monte de 5 mm par an à Maurice alors qu’au niveau mondial, il est de 3 mm annuellement. Maurice subit la montée des eaux qui devient de plus en plus importante. Les eaux de l’océan Indien grignotent notre littoral et nos plages », indique notre interlocuteur.

Littoral

Fabrice David ajoute que cette situation pose un problème social et sociétal. « 15 % de la population mauricienne vit sur le littoral. Celui-ci est aussi une zone économique qui abrite des hôtels, des appartements pieds dans l’eau et d’autres infrastructures. Le littoral est menacé par le dérèglement climatique. Les catastrophes naturelles sont une des conséquences », poursuit notre interlocuteur. 

Il souligne que Maurice fait face à des épisodes pluvieux intenses. Ce qui explique la montée des eaux au niveau des zones asphaltées. Il affirme que c’est un fait que les phénomènes cycloniques seront plus violents. « Le cyclone Freddy était à une centaine de kilomètres du pays et plusieurs zones côtières ont été inondées », fait-il observer. 

Il est d’avis qu’il va falloir protéger notre littoral et réhabiliter nos plages tout en luttant contre l’érosion côtière. « Il y a des endroits où nous avons perdu vingt mètres de la zone côtière. Le danger c’est que juste derrière, il y a des habitations. Ces milliers de personnes qui y vivent font directement face au danger. Si nous ne faisons rien, nous allons devoir délocaliser les habitants des zones côtières d’ici vingt ans. » 

Changement climatique

Notre interlocuteur évoque la déchirure que provoquera ce changement de mode de vie. Car certaines personnes habitent le littoral de génération en génération. « Et nous sommes la génération qui est victime du changement climatique. L’île est parmi les premières victimes du dérèglement climatique. » 

Il est d’avis qu’il faut repenser l’aménagement de notre territoire. « Nous devons mettre fin aux développements sauvages et au bétonnage incontrôlé. Nous devons aussi revoir l’octroi des permis dans les zones non constructibles. À ce jour, le mapping est confidentiel pour des raisons techniques. Mais il faudra le rendre public, car la population doit savoir quelles sont les zones menacées. »  

Zones inhabitables

L’océanographe et ingénieur en environnement, Vassen Kauppaymuthoo, confirme aussi que les zones côtières sont à risque à cause du changement climatique et elles deviendront inhabitables dans les années à venir tout comme la capitale Port-Louis. « Il faudra établir un plan d’évacuation des zones côtières en deux phases court terme et moyen/long terme. Le premier plan devra être mis en place pour les événements exceptionnels. Il s’agit des cyclones intenses ou des houles cycloniques qui causent une élévation temporaire du niveau de la mer. Le plan moyen/long terme devra prendre en compte les impératifs liés à l’inhabilité de ces zones. Celle-ci est causée par le relèvement du niveau de la mer permanent », préconise ce dernier. 

Vassen Kauppaymuthoo poursuit que les permis devront prendre en compte les recommandations de l’étude faite sur la vulnérabilité de Maurice par rapport au changement climatique qui définit les zones à risque. « Il est clair aujourd’hui que nous vivons sur une île qui sera amenée à changer dans les années à venir. Je pense qu’il faudra revoir la planification de notre territoire », avance l’océanographe et ingénieur en environnement. 

Résilience 

Il pense que des centres de refuges devront être adaptés. Vassen Kauppaymuthoo estime qu’il faudra aussi mettre en place des routes d’évacuation et des procédures. « Les effets de Freddy ont été minimes avec des vents qui auraient pu être beaucoup plus puissants s’il était passé plus près. On a vu les dégâts dans les zones côtières. Il faut utiliser ces données pour construire notre résilience par rapport au changement climatique. Les années à venir seront difficiles », prévient-il. 

L’urbaniste Zaheer Allam avance que les conséquences du changement climatique sont de plus en plus prononcées. Il cite le dernier rapport du GIEC, ainsi que plusieurs autres sources. « Le cyclone intense Freddy a montré cette vérité avec son impact dévastateur sur les côtes. Il a entraîné une montée dangereuse du niveau de la mer. Les routes, les hôtels et les maisons ont été menacés », indique-t-il. 

Réglementations 

Il est d’avis qu’il est essentiel que nous reconnaissions la gravité de la situation. Il souhaite que le pays prenne des mesures et des actions. « Les règlements qui empêchent la construction sur la ligne des hautes eaux (High Water Mark) doivent être scrupuleusement suivis. Les pratiques incontrôlées ou non vérifiées compromettent la sécurité des communautés », fait-il ressortir. 

Il ajoute que nous devons réviser ces règlements pour les adapter au changement climatique. Un High Water Mark qui était pertinent il y a quelques années peut ne plus l’être à une époque de changement climatique. « La modification des règlements doit prendre en compte l’importance des zones tampons des rivières et des zones écologiquement sensibles. Il faut s’assurer que tous les aspects de l’environnement sont pris en compte », recommande-t-il. 

Pour lui, nous devons à nous-mêmes, à nos communautés et aux générations futures de prendre des mesures significatives. « Travaillons ensemble pour protéger notre planète et les précieuses ressources qu’elle fournit. »

Le Senior Lecturer en Sciences marines à l’Université de Maurice, Nadeem Nazurally explique que les stratégies de développement sont à revoir surtout dans les zones sensibles. « Auparavant il y avait des sites où il n’y avait pas de problème. Ce n’est plus le cas. Nous ne pouvons arrêter les activités économiques qui s’y trouvent. C’est un fait que nous perdons des parties de la plage. Ces montées des eaux sont dues au changement climatique. Ce que nous avons entendu il y a des décennies, nous le vivons maintenant. »

Restauration des récifs 

Il poursuit que les cyclones deviennent plus intenses avec de plus grosses vagues qui dépassent la high water mark. Il estime qu’il nous faut combattre ce problème à la source. « Nous devons restaurer nos récifs. C’est un des moyens pour empêcher cette énergie de venir dans nos lagons. Il faut aussi revoir les modèles mis en place en vue de la montée des eaux. » 

Kavi Ramano : «Une réalité des PEI »

« Nous sommes en train de subir une montée des eaux et une hausse de la température, en raison du changement climatique. Au niveau du ministère de l’Environnement, nous ne sommes pas dans le déni. Nous sommes en train de subir de plein fouet le réchauffement de la planète et c’est la raison pour laquelle des mesures sont en cours », dit Kavi Ramano. Il rappelle que le réchauffement climatique est « une réalité que vivent les petits États insulaires (PEI)».

320 km de zones côtières 

Vassen Kauppaymuthoo explique que la zone côtière part de la crête des montagnes vers la mer. « Toute l’île est définie comme une zone côtière. La zone la plus vulnérable est à 30 mètres du rivage. » 

107e place pour Maurice

Selon le World Risk Report 2022, Maurice se situe désormais à la 107e position alors qu’en 2021, il était à la 51e place. Ce rapport calcule la vulnérabilité et l’exposition aux risques naturels de plus de 193 pays, puis les classe en fonction de leur risque de catastrophe.

 

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