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Violence contre les enseignants : trois cas rapportés en 12 jours à la police 

L’enseignant Atish Cooshna allègue avoir été frappé par un parent d’élève.
  • Que faire pour renverser la tendance ?

La violence dans les écoles est d’actualité. Ces deux dernières semaines, trois cas d’agression envers des enseignants ont été rapportés. Il y en a d’autres qui ne sont cependant pas rapportés aux autorités, certains enseignants ne souhaitant pas porter plainte. Comment renverser la tendance pour avoir un environnement sain dans les établissements scolaires ?

Un enseignant qui porte plainte au poste de police contre un parent n’est pas chose courante. Pourtant, trois cas de ce genre ont été enregistrés ces deux dernières semaines. En effet, le 30 septembre et les 4 et 12 octobre, trois enseignants ont été agressés par des parents dans l’enceinte même de l’établissement scolaire où ils travaillent.

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Dans le premier cas, sept personnes ont été interpellées, mardi dernier. Des instituteurs de l’école du gouvernement Marcel Cabon, craignant pour leur sécurité, ne sont pas allés en classe pendant une demi-journée. Ils souhaitaient une réaction des autorités pour davantage de sécurité.

Le 4 octobre, Atish Cooshna (37 ans), un enseignant du Renascence College, Curepipe, a été admis à l’hôpital de Rose-Belle, après avoir été frappé à la tête avec un casque de moto. Le troisième cas s’est produit au Morne où une assistante-maîtresse d’école allègue avoir été agressée par un parent d’élève. Elle a porté plainte à la police. Selon elle, le parent lui aurait reproché d’avoir tenu des propos désobligeants à l’encontre de son enfant.

Nombre d’enseignants ne portent pas plainte et préfèrent garder le silence. Sheila, enseignante d’un collège d’État, a été victime d’une agression verbale. Elle témoigne : « J’ai préféré prendre un long congé après une altercation avec un parent. Il ne voulait pas comprendre que son fils avait mal agi, en tenant des propos irrespectueux. Je n’ai pu le supporter et j’ai souhaité prendre du recul ».

Vishal Baujeet, de la Government Teachers’ Union (GTU), déplore cette violence qui existe à l’école et dans une société en constante évolution. « Les enfants sont confrontés à diverses formes de violence : châtiment corporel, humiliation, isolement, violence verbale et sexuelle, bullying ou dégradation de bâtiment et de matériels. Néanmoins, l’école est l’institution qui se dresse pour lutter contre ces formes de violence pour le bien-être des élèves. Elle doit faire partie de la solution et non du problème », dit-il.

Quelques pistes 

Vishal Baujeet souligne que ces cas sont principalement liés à l’indiscipline des élèves. « Un manque de discipline en milieu scolaire mène au problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui », dit-il. Cependant, fait-il ressortir, à Maurice, la situation n’a pas encore pris des proportions aussi graves qu’ailleurs dans le monde. Toutefois, il avance qu’il faut « élaborer des stratégies appropriées pour contrôler ce problème afin d’avoir, à l’avenir, une société stable ». 

Quant aux enseignants, il affirme qu’il faut « prendre en compte leurs doléances et mieux les équiper pour faire face aux nouveaux défis ». « Les enseignants sont formés pour gérer de telles situations à l’école. Il est vrai que dans une classe de 40 élèves, la tâche est plus difficile. En sus, la communauté doit être impliquée dans la vie scolaire. Il faut transformer radicalement les associations parents-enseignants (PTA), que chacun puisse débattre des droits et responsabilités des uns et des autres pour le bien de tous. Aussi la présence de psychologues scolaires est essentielle dans tout projet visant à établir une bonne gouvernance scolaire. La mise en place d’un comité de médiation, réunissant les parents, les enseignants et les élèves, peut aider à la bonne gestion des conflits. Le ministère, avec la collaboration d’organisations non gouvernementales, peut organiser des causeries pour mener une campagne de sensibilisation sur la violence et d’autres fléaux sociaux ».

Au secondaire, Harrish Reedoy, président de la United Deputy Rectors and Rectors Union (UDRRU), soutient que les enseignants jouent un rôle important pour faire de l’école un espace sûr pour tous les apprenants. « Les enseignants sont au cœur de la solution et doivent être responsabilisés, capables et prêts à agir. Il faut créer un climat scolaire sûr et favorable avec des attentes comportementales à l’échelle de l’école, des interventions et des soutiens positifs et des services psychologiques », dit-il, tout en proposant « l’encouragement des élèves à assumer leurs responsabilités dans le maintien d’environnements scolaires sûrs, y compris la participation des élèves pendant la planification de règles et règlements ». 

Le président soutient qu’il faut aussi rappeler aux élèves « l’importance de résister à la pression des pairs. De créer des systèmes d’alerte anonymes comme des boîtes à suggestions. Qu’il y ait un partenariat avec la police et la communauté pour améliorer les mesures de sécurité pour les élèves au-delà de l’enceinte de l’école ».

Le sociologue et consultant en réforme de l’éducation et gestion familiale, Ritesh Rao Poliah, souligne, lui, que la violence à l’école est « un phénomène qui préoccupe énormément les autorités ». Il précise qu’il y a environ un milliard de cas de violence scolaire qui sont signalés chaque année dans le monde. 

« À Maurice, les récents cas de violence dans nos écoles, que ce soit entre élèves ou envers les cadres éducatifs, ont créé une situation alarmante. Il est à noter que les milieux de vie et sociaux jouent un rôle important dans le processus de socialisation de nos enfants », soutient le sociologue.

Ritesh Rao Poliah fait ressortir que « certains parents attendent des éducateurs qu’ils enseignent à leur(s) enfant(s) les valeurs fondamentales et comment se comporter en société, parler, s’habiller et même respecter les autres. Sauf que la majorité de nos éducateurs à Maurice ne traitent pas la formation de base pour enseigner aux étudiants de telles valeurs sociales. On s’attend à ce que les parents s’acquittent de leurs responsabilités fondamentales », dit-il.

Il ajoute qu’être protecteur envers l’enfant, c’est bien, « mais être trop protecteur pourrait transformer l’enfant en quelqu’un de violent ». Ritesh Rao Poliah avance que c’est un fait que, dans le passé, les éducateurs avaient plus de respect envers les apprenants qu’aujourd’hui dans notre société moderne. Les parents rencontraient plus souvent les éducateurs et les encourageaient à prendre des mesures strictes et sévères envers leurs enfants. « Aujourd’hui, cette relation entre apprenants et éducateurs est plus conviviale, souple et fragile. Fini le temps où les apprenants avaient « peur » de leurs éducateurs. Les langues parlées à l’école sont le premier pas vers la violence verbale », explique-t-il.

Ritesh Rao Poliah ajoute que la période d’activités dans nos écoles devrait faire partie de l’éducation à la paix où les jeunes apprennent les valeurs sociales de base. Ce qui renforcera le lien entre les apprenants et leurs amis. Les carnets de notes, les remarques hebdomadaires et les remarques disciplinaires doivent être pris au sérieux. « L’observatoire de la parentalité à Maurice devrait travailler en collaboration avec le ministère de l’Éducation pour soutenir et aider les parents en difficulté », soutient-il.

Dookun-Luchoomun : « Protéger nos enseignants »

Dans une déclaration au Défi Media Group, il y a quelques jours, la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, soutenait que : « Les enseignants font un travail extraordinaire et il nous faut les protéger. Dans nos écoles, nous demandons à ce que les personnes ne puissent y avoir accès sans permission ou sans rendez-vous. Il y a déjà des Security Officers dans des écoles à risque. Et là où nous sentons qu’il y a un besoin, nous allons faire le nécessaire ».

Les recommandations de Suttyhudeo Tengur  

Le secrétaire de la Primary School Teachers’ Cooperative Credit Union (PSTCCU), Suttyhudeo Tengur, propose quelques mesures quant à la sécurité dans les écoles. Il soutient qu’il est important que le ministère de l’Éducation retienne les services de surveillants professionnels. « Il faut éviter de faire appel aux compagnies qui emploient des gens à la retraite, dont une bonne partie souffre de problèmes de santé », dit-il. Pour Suttyhudeo Tengur, le périmètre de chaque institution doit être sécurisé. « Qu’on mette une barrière avant qu’une personne étrangère ait accès à l’entrée principale de chaque bâtiment », dit-il, proposant aussi « l’installation de caméras et la présentation de la carte d’identité du parent, entre autres ». Il suggère aussi que chaque salle de classe dispose d’un système de verrouillage intérieur.

Mrynal Daby, élève : « Le counseling est la solution »

Mrynal Daby, élève au Mahatma Gandhi Institute (MGI) Moka, estime que « le counseling est la solution, mais il n’est toujours pas bien implémenté dans les collèges d’État ». « Très souvent, l’élève ne se sent pas en confiance en présence des adultes. Cela peut-être à cause d’une expérience passée. Dans ces cas-là, il serait mieux de favoriser l’aide ‘peer-to-peer’ », avance-t-il. Selon lui, des séances de dialogue entre élèves et professionnels  peuvent aussi aider. « Il ne s’agit pas uniquement de mettre sur pied des ‘counseling desks’, mais aussi de prendre des prendre en considération la spécificité de chaque école », dit l’élève.

 

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