Trafic allégué des cartes de vaccination contre la COVID-19 : un vigile dit avoir ramassé les cartes sous un escalier 

La Brigade antidrogue enquête pour déterminer s’il y a eu connivence entre des fonctionnaires de la Santé et un vigile d’un centre de vaccination pour alimenter un trafic de cartes vaccinales. Ces documents seraient vendus jusqu’à Rs 7 000 pour faire croire qu’une personne a reçu ses deux doses de vaccin.

Se procurer une carte vaccinale sans se faire vacciner contre la Covid-19. Certains Mauriciens songent sérieusement à avoir recours à cette astuce pour pouvoir accéder aux centres de soins publics et privés, aux établissements scolaires ou encore dans certains bureaux administratifs. Un Curepipien soupçonné de s’adonner à ce trafic a été interpellé par hasard. 

En effet, des agents de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) de Curepipe ont découvert le pot aux roses en perquisitionnant la demeure de James David Virassamy, à Jeetoo Lane, Camp-Pierrot, Curepipe, dimanche dernier. L’équipe des sergents Carpouron et Gokhool avaient obtenu des renseignements que cet homme âgé de 43 ans était impliqué dans le trafic de stupéfiants. 

Si les policiers ont mis la main sur 12 paquets de cannabis pesant 14,8 grammes, 3,2 grammes de haschich et 1,9 gramme d’héroïne, en poursuivant leur opération, ils ont fait une découverte des plus étonnantes : ils sont tombés sur 46 cartes de vaccination contre la Covid-19.  

Au poste de police, les hommes de l’assistant surintendant Jhurry et du chef inspecteur Ramtanon passent ces cartes sous la loupe. Première observation : elles portent le tampon du ministère de la Santé.

D’emblée, les policiers se posent une première question ? Comment ce présumé trafiquant peut-il être en possession de ces cartes dûment tamponnées ? 

Combine

Les policiers vont vite comprendre la combine utilisée par ce suspect. Ce dernier officie comme agent de sécurité pour le compte d’une firme privée qui assure la surveillance du gymnase James Burty David, à Trou-aux-Cerfs, Curepipe. Ce complexe sportif a été converti en centre de vaccination contre la Covid-19. 

Lors de son interrogatoire, James David Virassamy, qui a retenu les services de Me Ravi Rutnah, explique avoir ramassé ces cartes sous un escalier au centre, le samedi 3 juillet. Il indique qu’il était de service ce jour-là et qu’il envisageait de les rendre au responsable du centre lundi.

« Monn ramass sa bann kart-la anba leskalye, lindi mo ti pou retourn sa, » fait-il comprendre. Sauf qu’il a été interpellé dimanche. Il a par la même occasion rejetée toute thèse de trafic de ces cartes de vaccination contre la Covid-19.  Le suspect qui, dans le jargon de la police, est connu comme ayant un « clean record » a aussi expliqué que la drogue retrouvée chez lui était destinée à sa consommation personnelle. 

Le suspect est maintenu en détention policière sous une accusation provisoire de trafic de drogue et de « larceny by person in receipt of wages », soit d’avoir volé des biens appartenant à son employeur, devant le tribunal de Curepipe. Les enquêteurs ont déjà adressé une correspondance au ministère de la Santé en vue d’authentifier ces cartes vaccinales. 

La compagnie de sécurité devra aussi préciser les horaires de travail du suspect dans ce centre de vaccination. Des préposés et les responsables du centre de vaccination James Burty David seront entendus par l’Adsu. Ils devront expliquer comment ces cartes vaccinales ont pu atterrir chez James David Virassamy et si un contrôle est exercé sur le nombre de documents en leur possession. 

Les enquêteurs veulent aussi établir s'il existe une connivence entre James David Virassamy et certains employés du centre dans le but d’alimenter un trafic. Du côté du ministère de la Santé, on dit collaborer pleinement avec l’ADSU pour faire la lumière sur cette affaire. 

« Chaque carte vaccinale porte un numéro de série unique qui correspond à celui indiqué sur le Consent Form. Les cordonnées des détenteurs de ces cartes obtenues de manière frauduleuse ne figureront pas dans le registre du ministère de la Santé, » fait comprendre ce porte-parole. Les cartes vaccinales seront numérisées et seront serties d’un QR Code, rendant toute falsification impossible et la version papier inutile, annonce le Dr Zouberr Joomaye, président du National Covid Vaccination Committee.

Il confirme également qu’une enquête est en cours au niveau de la Santé sur les agissements des faussaires qui monnaient ces cartes vaccinales. « Certaines personnes se sont tournées vers nous pour dénoncer des vols de cartes de vaccination. La police en a été informée et une enquête est en cours. Le ministère de la Santé et du bien-être a également initié une enquête interne », avait rassuré  le Dr Zouberr Joomaye à Le Dimanche /L’Hebdo la semaine dernière.

Entre Rs 5 000 et Rs 7 000 la carte 

À ce jour, bon nombre des Mauriciens refusent toujours de se faire vacciner. Mais en contrepartie, ils cherchent à obtenir ce précieux bout de papier depuis l’annonce des nouveaux règlements sanitaires interdisant au personnel enseignant et médical non-vacciné d’avoir accès aux hôpitaux et aux écoles. En échange, ils n’hésitent pas à se tourner sur un système frauduleux pour obtenir ces cartes de vaccination.  La police est en présence d’informations sur l’existence des réseaux de falsification de ces cartes. Pour avoir un document démontrant l’administration d’une première dose de vaccin, il faut débourser Rs 4 000 et Rs 7 000 pour une vaccination complète. Les autorités, conscientes de l’existence de ce trafic, redoublent de vigilance en vue de contrer les agissements de ces faussaires qui veulent se faire de l’argent facile.  Différentes unités de la police sont à pied d’œuvre en vue de traquer ces faussaires qui croient pouvoir opérer en toute impunité.

« Boukou dimounn kan kone nou travay dan sant vaksinasion apros nou pou tras enn kart pou zot, zot pre pou pey ziska Rs 7 000 », explique un infirmier travaillant dans un centre de vaccination dans un faubourg de la capitale.