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Rishi Nursimulu : «Se conformer aux normes établies par l’organisme de réglementation pourrait tuer l’innovation»

Le gouvernement mettra en place un système de subventions pour encourager la participation des écoles maternelles privées. Le fondateur et président du groupe Dukesbridge Rishi Nursimulu commente cette annonce dans l’entrevue qui suit.

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Ancien lauréat de l’État et économiste, Rishi Nursimulu est le fondateur et président du groupe Dukesbridge qui compte le plus grand nombre d’écoles à Maurice (11 pré primaires et 3 primaires). Dukesbridge est licencié par le gouvernement australien (Western Australia) et fait partie de l’association des pre-preprimary school managers et aussi de l’Association of Mauritian International Schools (AMIS).

Rishi Nursimulu, que pensez-vous de la mesure annoncée par le Premier ministre dimanche dernier ?
Dans le fond, j'admire et je soutiens énormément l'intention du Premier ministre de rendre l’encadrement des tout-petits plus accessible. Toutefois, j’avoue ne pas comprendre comment le « scheme » qui apparaît comme une stratégie de nationalisation des écoles maternelles) peut remplir les objectifs.

Si l'objectif de cette mesure est de fournir une éducation gratuite aux personnes qui n'en ont pas les moyens, ce but est déjà atteint, car le gouvernement gère déjà plusieurs écoles maternelles gratuites.
Si l'objectif de la mesure est de permettre aux enfants qui n'ont pas les moyens d'accéder aux écoles maternelles privées, le gouvernement pourrait donner directement des subventions aux parents, sous forme de bourse, en fonction de leurs moyens. Ainsi, les parents pourraient choisir eux-mêmes l'école privée. 

Quelles sont vos appréhensions par rapport à cette annonce ?
Notre mission à Dukesbridge a toujours été de fournir une éducation internationale (australienne) abordable.  C'est pourquoi nos frais représentent près de la moitié de ce que facturent les autres écoles internationales à Maurice. Par conséquent, à première vue, nous soutenons l'initiative du PM de rendre cela accessible à tous. Toutefois, la mesure de subventionner les écoles maternelles privées a un coût. À l'heure actuelle, on ne sait pas si le gouvernement couvrira entièrement les frais de scolarité ou si les écoles pourront demander aux parents un surplus si le montant de la subvention ne suffit pas.
Nous respectons le choix des parents d'envoyer leurs enfants dans des écoles publiques gratuites ainsi que ceux qui ont délibérément choisi les écoles privées en raison des efforts déployés par celles-ci pour offrir une meilleure qualité d'éducation. Autrement, comment expliquer la croissance rapide de notre groupe d'écoles en huit ans seulement ? Nous ne sommes pas une école parfaite, mais nous faisons de notre mieux et nous nous améliorons année après année. Nous pensons que les parents apprécient cela. 

Par exemple, pendant la pandémie de Covid-19, nous avons innové en passant rapidement aux cours en ligne. Désormais, à chaque fois que les écoles sont fermées en cas d'intempéries, l’enseignement se fait en ligne, ce que les écoles publiques ne font pas. 

Si nous adhérons au « scheme », nous devrons nous conformer aux normes établies par l'organisme de réglementation, ce qui pourrait tuer l’innovation dans le domaine de l'éducation. De même, il est peu probable que le programme couvre nos spectacles musicaux de fin d'année de classe mondiale, l'écriture de chansons et la production d'albums, notre journée sportive épique dans un stade chaque année, des reportages quotidiens en ligne sur notre e-plateforme et la liste est longue. 

Quelles sont les craintes de vos collègues ?
Si tout le monde est dans le flou en ce qui concerne le « scheme » proposé par le gouvernement, tous les gestionnaires ne sont pas logés à la même enseigne. Il y a ceux qui redoutent la fermeture de leurs écoles, car il y aura probablement une ruée vers les établissements privés prisés qui étaient auparavant trop chers pour les parents qui n'avaient pas les moyens de les financer. C’est comme dans le secteur secondaire où certaines écoles n’ont pas survécu. Certains responsables se demandent si la formule de financement sera suffisante. Je ne le pense pas. D’autres gestionnaires d'écoles maternelles privées, qui ont été entrepreneurs pendant plusieurs années voire des décennies, redoutent l'idée de perdre leur autonomie dans leurs propres entreprises.

Si c’est un coup dur psychologiquement parlant, l’inquiétude de devoir attendre l’autorisation de quelqu’un d’autre pour chaque dépense, comme une rénovation, est un vrai casse-tête. Si l’on introduit le même « scheme » que la PSEA a adopté pour les écoles secondaires, la standardisation est inévitable.  

La standardisation complète du secteur préscolaire est appréhendée, car cela pourrait réduire la diversité de choix en limitant l'effort des propriétaires de gérer leurs écoles maternelles privées avec une touche personnelle. Bien que le gouvernement promette une certaine autonomie aux gestionnaires pour les motiver à intégrer le « scheme », il n'y a aucune garantie que cela ne changera pas dans le futur, laissant les responsables se sentir coincés. 

Quelles sont les appréhensions des parents ?
Ceux qui payent déjà les frais scolaires privés avaient toujours le choix d’inscrire leurs enfants dans les écoles gratuites de l’état. Ces parents s’inquiètent beaucoup d’une baisse dans la qualité de l’éducation privée et c’est probablement justifié. Qu’on le veuille ou non, il y aura toujours un écart entre le service privé et le service public. En tant qu’économiste, c’est l’effet de la main invisible (Adam Smith) qui opère dans les marches libres et je peux vous dire que c’est un phénomène global. 

En effet, le Early Childhood Council de la Nouvelle-Zélande a qualifié la politique de gratuité de la petite enfance de « dangereuse » et de « la plus grande menace pour la qualité de la petite enfance de notre génération » (NZ Herald, 2007, 27 avril). 

Pourquoi les parents préfèrent-ils les écoles maternelles privées même si le gouvernement a investi beaucoup dans ses écoles gratuites au fil des dernières années ?
Il y a des centaines d’écoles maternelles à Maurice qui dressent la toile de « perfect competition ». Si votre établissement a une mauvaise réputation, les enfants iront dans une autre école. Cela est vrai pour les écoles publiques et privées. Cette situation nous oblige constamment à améliorer notre niveau. 

Quand le gouvernement avait introduit la maternelle gratuite dans les écoles publiques il y a quelques années de cela, certains parents avaient décidé d’y inscrire leurs enfants, histoire de faire des économies. Cependant, un grand nombre d’entre eux sont retournés dans le milieu privé parce qu’ils ont noté une différence dans la qualité de l’éducation. On a réalisé que le préscolaire est la base et que c’est un sujet à ne pas prendre à la légère.  Pendant les premières années de la vie d'un enfant, son développement cérébral jettera les bases de tout apprentissage et développement ultérieur, et cela est prouvé scientifiquement. J’ai toujours apprécié le fait qu’à Maurice les parents font de leur mieux pour leurs enfants, même s’ils doivent se sacrifier. C’est dans notre ADN. 

Pourquoi existe-t-il une différence dans les prix pratiqués par les écoles du pré-primaires ?
Chaque école gère son budget à sa guise. Les coûts de certaines écoles sont plus élevés que d’autres et cela dépend des infrastructures, des activités proposées, des services dispensés (suivi, déjeuner, etc.). À priori, les écoles internationales sont plus chères parce qu’elles doivent payer les frais d’accréditation. Elles dépensent beaucoup pour se conformer aux normes imposées d’après leur programme d’études. Il est important de se rappeler que pour la plupart des propriétaires d'écoles, leur établissement est leur source de revenus et de subsistance. Dans un marché libre, le prix d'une école est déterminé par l'équilibre entre l'offre et la demande. Celle-ci dépend en grande partie de la qualité de l'éducation proposée.

 

 

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