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Projet de Smart City : des habitants de Roches-Noires ont peur pour l’environnement 

Une partie du terrain censé accueillir le projet Smart City de Roches-Noires.
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La Smart City de Roches-Noires suscite des débats passionnés. Si les écologistes s’insurgent contre ce qu’ils qualifient de « désastre écologique » que ce projet pourrait engendrer, les habitants, eux, ont des avis mitigés. Certains approuvent le projet. D’autres craignent d’être les dindons de la farce.

Lenine Aukhajan, membre du conseil de village, insiste sur l’importance d’intégrer les habitants au projet.
Lenine Aukhajan, membre du conseil de village, insiste sur l’importance d’intégrer les habitants au projet. 

«Nous sommes en faveur du développement, mais pas à n’importe quel prix. » Le ton est donné à travers cette déclaration de Lenine Aukhajan, membre élu du conseil de village de Roches-Noires et président des Forces vives de la localité. Il fait partie de ceux qui redoutent l’impact que pourrait avoir le projet Smart City de Roches-Noires non seulement sur les villageois mais aussi sur l’environnement. 

Il fait ressortir que Roches-Noires est une zone côtière vulnérable au changement climatique. Lenine Aukhajan se dit contre tout développement sauvage qui risquerait de mettre en péril la forêt et les zones marécageuses. « Nous sommes en faveur du développement, mais il faut des conditions bien strictes rattachées au projet », insiste-t-il. 

 Ashok Dodla-Bhemah, qui habite Roches-Noires, se dit contre le projet en raison de sa proximité avec une zone marécageuse.
 Ashok Dodla-Bhemah, qui habite Roches-Noires, se dit contre le projet en raison de sa proximité avec une zone marécageuse.
 

Faisant référence à un autre projet d’envergure dans la même région, il souligne que tout développement devrait se faire au profit des villageois et non à leur détriment. Raison pour laquelle il insiste pour que les habitants soient intégrés au projet et qu’un accord soit signé en ce sens. 

Ashok Dodla-Bhemah, qui habite Roches-Noires, se dit contre le projet en raison de sa proximité avec une zone marécageuse. « Si on coule du béton sur ce type de sol, il perdra sa capacité d’absorption », estime-t-il. Présent à la réunion durant laquelle le projet a été présenté le lundi 24 avril, il dit n’avoir nullement été convaincu par les explications et les assurances données. 

Accaparement des terres 

Selon lui, il y a de nombreuses caves à différents endroits qui empêchent le village de subir des inondations quand il pleut à verse. Il préconise d’autres projets de développement sur le site, tels que la restauration de la forêt avec la mise en terre de plantes endémiques. Il déplore également l’utilisation de terres fertiles qui ont été bétonnées, alors que Maurice n’a pas atteint l’autosuffisance alimentaire. 
L’habitant de Roches-Noire regrette que de nombreux terrains soient cédés aux étrangers pour des projets de développement d’envergure qui ne rapportent pas grand-chose aux habitants des régions concernées. 

Danyal pense que ce serait dommageable de toucher à la zone marécageuse de Roches-Noires qu’il considère comme un bijou.
Danyal pense que ce serait dommageable de toucher à la zone marécageuse de Roches-Noires qu’il considère comme un bijou.

« Avec cet accaparement des terres, nous commençons à devenir des étrangers dans notre propre pays. Nos terres sont hypothéquées, alors que les villageois n’ont rien à y gagner. Ce qui n’est pas favorable non plus aux générations à venir. » 

En digne amoureux de la nature qui se respecte, Danyal avance qu’il arrive parfois que les promoteurs de certains projets prétendent militer pour le bien-être des habitants en leur faisant miroiter les supposés bienfaits que cela leur apportera. « Tout changement apporté, comme la transplantation des plantes ou le reboisement, ne prend pas en considération l’ancienneté de la forêt et les services que cela offre par rapport à la faune et la flore. »

Dhotah Mooktah Devi estime que le projet pourrait profiter aux jeunes et à ceux à la recherche d’un emploi.
Dhotah Mooktah Devi estime que le projet pourrait profiter aux jeunes et à ceux à la recherche d’un emploi. 

Danyal met aussi en avant le cadre unique de Roches-Noires qui se désagrège peu à peu à cause de tous les projets de développement qu’il y a eus ces dernières années. Il pense que ce serait extrêmement dommageable qu’on touche à la zone marécageuse de Roches-Noires qu’il considère comme un bijou. « C’est un des derniers endroits qui est resté encore naturel et paisible. Il y a des coins uniques comme cela à Maurice. » 

Malgré la réticence de certains, il y a aussi ceux qui se disent en faveur du projet qui pourrait, selon eux, profiter aux jeunes et à ceux à la recherche d’un emploi. « Plizir dimoun kapav gagn lavi avek sa proze la », estime Dhotah Mooktah Devi. Pour elle, un tel projet apportera plus de propreté et attirera des touristes dans la région. 


Les zones côtières sous pression 

Selon le Draft National Land Development Strategy du ministère du Logement et des terres rendu public en 2021, les zones côtières sont plus exposées aux effets du changement climatique. Ce document contient plusieurs recommandations tant pour les villes que pour les villages. Parmi : la nécessité d’engager une réflexion sur le développement de complexes hôteliers sur les côtes. 

La construction d’hôtels, qui est à l’origine du bétonnage du littoral depuis ces dernières décennies, commence à susciter de vives inquiétudes. Plusieurs rapports sur l’état de l’environnement préparés par des ministères, comme celui de l’Environnement ou encore celui des Terres, se sont largement exprimés sur les implications écologiques de tels projets dans les zones côtières. 

D’autant que les effets du changement climatique sont désormais une réalité à Maurice. Le rapport préconise que les projets hôteliers soient à l’avenir conçus loin des côtes. Il est souligné qu’un changement stratégique concernant les projets touristiques permettrait non seulement d’atténuer les problèmes liés au changement climatique mais aussi de dynamiser l’activité économique dans les régions rurales. 

« Il est reconnu que les perspectives de nouveaux complexes touristiques importants et de stations balnéaires sur de grands sites côtiers sont limitées avec la probabilité que tout nouveau développement soit plus complexe, coûteux et environnementalement sensible à développer. À cet égard, rééquilibrer les pressions de développement touristique loin de l’environnement côtier fragile en faveur de la promotion d’opportunités d’écotourisme en milieu rural et de tourisme patrimonial sera une considération importante », peut-on lire dans le rapport. 

Le rapport fait aussi état de la sensibilité des écosystèmes côtiers du pays : « The coastal environment is one of the most fragile environments in Mauritius. » Il fait aussi ressortir que ces écosystèmes sont davantage fragilisés par le réchauffement climatique. Un changement d’approche est ainsi plébiscité. « Il est proposé un changement de paradigme visant à détourner les futurs développements de la côte et à encourager les centres touristiques côtiers, ce qui soulagera la pression sur les littoraux », peut-on lire.

 

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