Débat

La presse hier, aujourd’hui et demain - Jean Claude de l’Estrac : «La liberté d’expression existe car les journalistes ne sont pas jetés en prison»

La presse sous toutes les coutures. Pour décortiquer ce thème, Jean-Luc Émile a animé un débat au centre de conférences de Pailles à l’occasion du 50e anniversaire de l’Indépendance. Un débat riche, à la hauteur de l’événement, où différents intervenants ont survolé le passé, parlé du présent et se sont penchés sur l’avenir. L’un d’eux, Jean Claude de l’Estrac, a affirmé que la presse était libre à Maurice.

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«La contribution de la presse dans la construction de la nation mauricienne a été majeure. De toutes les institutions, je n’en connais aucune autre qui a eu une contribution aussi cruciale », a déclaré Jean Claude de l’Estrac.

L’ancien directeur des publications  du groupe La Sentinelle était l’un des participants au débat qui a eu lieu le samedi 3 mars, au centre Swami Vivekananda, à Pailles. La contribution des médias à l’avancement du pays était le thème central de ce débat retransmis sur Radio Plus.

Durant les années 60, a souligné Jugdish Joypaul, consultant à Radio Plus, Advance et l’express ont milité pour  l’Indépendance, contrairement au Mauricien et au Cernéen, qui ont, eux, joué le rôle d’opposants à l’émancipation. à l’époque, a-t-il indiqué, « les polémiques portaient sur les débats d’idées. La presse n’a jamais incité à la haine ».

Jean Claude de L’Estrac devait, cependant, préciser qu’après l’Indépendance, André Masson, rédacteur en chef du Mauricien avait écrit dans son journal qu’il participerait à la construction de la nation.

Si auparavant, il pouvait y avoir des débats d’idées, c’est plus compliqué aujourd’hui, selon Rabin Bhujun, directeur éditorial du site d’information en ligne ION News. « Politiquement, toutes les combinaisons ont été faites. Les stratégies politiques se ressemblent toutes. Dans les campagnes électorales, on crée des débats sur les gens, alors que ceux-ci auraient dû s’articuler autour des idées », a déploré le journaliste.

La presse gouvernée par une loi obsolète

Pour la politologue Catherine Boudet, « le cœur de la nation mauricienne est né dans les lignes de la presse ». Jean Claude de l’Estrac a précisé que Maurice n’était pas une jeune nation. « Elle existe depuis trois siècles. Il faut faire la distinction entre nation, indépendance et création de l’état. à un certain moment, cette nation mauricienne a eu la volonté de devenir un état et la presse est le creuset de la construction de la nation. »

À Maurice, il y a une liberté de la presse, même s’il y a eu maintes tentatives de la museler dans le passé. « Si aujourd’hui, on parvient à accéder aux données d’un compte bancaire, ça veut dire que les journalistes peuvent faire leur travail. S’ils ne se retrouvent pas en prison le lendemain, c’est que la liberté d’expression existe », a tranché Jean Claude de L’Estrac.

Rabin Bhujun est d’opinion que le cadre légal sur la presse est complètement dépassé. « Il date de 1938 et visait à empêcher la libre expression dans les colonies. Nous sommes encore gouvernés par des lois sur la diffamation criminelle et la sédition, des législations  qui n’ont plus leur place en 2018. »
Pour Jugdish Joypaul, « tout est transparent à travers le monde. Aujourd’hui, on ne peut plus rien cacher. La presse à accès aux documents, avec ou sans la Freedom of Information Act ».

Autorégulation : une condition essentielle

Si une Freedom of Information Act serait utile non seulement aux citoyens, mais aussi aux journalistes, il faudrait surtout qu’il y ait une instance d’autorégulation, a affirmé Jean Claude de l’Estrac. « La presse veut avoir tous les droits, mais n’accepte aucune forme de contrôle et ne veut avoir aucune obligation », a-t-il ajouté. Et d’indiquer qu’au lieu d’attendre qu’une forme d’obligation soit imposée par un gouvernement, « il faudrait mettre en place un conseil de la presse. Il faut un code d’éthique et de déontologie. Si un journaliste se livre à des excès, des mesures devront être prises contre lui ».

Jean Claude de L’Estrac a poursuivi en insistant que « la presse écrite doit se réinventer ». « Plus personne n’attend un journal qui sort tous les 24 heures pour s’informer. Le journaliste doit essentiellement se consacrer à  l’analyse de l’info. L’information est partout maintenant. Plus il y a d’information, plus il y a nécessité de la décortiquer, de l’analyser, de la mettre en contexte. On a besoin d’un corps de métier capable de voir les choses avec recul et doté de capacités d’analyse pour achever de donner un sens à l’info. »

Mais, devait préciser Catherine Boudet, « le lecteur a aussi un rapport affectif avec le titre de presse qu’il a l’habitude de lire ».

 

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