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Annonces faites dans le sillage de la fête du Travail : mesures concrètes ou promesses en l’air?

Pierre Dinan, économiste. Ganessen Chinnapen, économiste. Manisha Dookhony, économiste. Bhavish Jugurnath et Takesh Luckho.

Des mesures ont été annoncées par le gouvernement et l'opposition le 1er mai dernier pour améliorer les conditions de travail des employés. Cependant, la question de savoir si ces mesures seront effectivement mises en place ou s'il ne s'agit que de promesses reste en suspens. Des experts nous livrent leurs avis.

Lors d'un rassemblement du gouvernement à Vacoas, le lundi 1er mai,  le ministre du Travail, Soodesh Callichurn a déclaré que le salaire minimum initial de Rs 8 140 a été augmenté grâce à des allocations pour atteindre Rs 13 075. Il a également souligné que son objectif était de revoir le seuil du salaire minimum l'année prochaine. Pour sa part, La Confédération des Travailleurs du Secteur Privé (CTSP), qui a défilé à l'occasion de la fête du Travail à Rose-Hill, a exigé une augmentation du salaire minimum à Rs 15 000, affirmant que le coût de la vie a réduit le pouvoir d'achat des travailleurs.

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Une utopie ?

L'économiste Pierre Dinan considère qu'augmenter le salaire minimum est faisable et que les salariés méritent une rémunération juste pour leur travail. Il estime néanmoins que les personnes les plus vulnérables et en bas de l'échelle salariale doivent être traitées avec une attention particulière. « Je pense que les personnes les plus vulnérables et les moins rémunérées ont besoin d'une amélioration de leur statut et de leur salaire. Si le salaire minimum est augmenté, cela signifie que toutes les grilles salariales devront augmenter, ce qui engendrera une pression. Dans la situation actuelle, je pense qu'il est préférable de cibler les personnes les plus méritantes en leur offrant un salaire décent pour qu'elles puissent subvenir à leurs besoins. Je sais que les politiciens n'aiment pas ce mot, mais il est important d'accorder une attention particulière aux personnes les plus vulnérables », indique-t-il. 

L’économiste prend l'exemple d'un célibataire sans responsabilités et d'une famille avec plusieurs enfants. Chaque personne, selon lui, devrait recevoir un salaire décent en fonction de sa situation familiale. « Cependant, cela implique un ciblage qui est politiquement difficile. Le gouvernement doit donc jouer un rôle essentiel dans ce processus pour le bien de tous », fait-il ressortir. 

Il propose la création d'un bureau spécialisé pour étudier la situation de chaque individu et distinguer ceux qui ont besoin d'aide. « Le salaire minimum est censé garantir une rémunération adéquate. Il faudrait mener un sondage pour identifier ceux qui ont des difficultés et nécessitent des aides supplémentaires », ajoute notre interlocuteur. Ce dernier souligne que l'augmentation du salaire minimum ne garantit pas une augmentation de la productivité.

Perte de pouvoir d'achat 

Lors de l'assemblée du Kolektif 1er-Mai, Jack Bizlall a plaidé en faveur d'un salaire minimum social qui permettrait aux travailleurs de mener une vie sociale active. Cependant, pour l’économiste Ganessen Chinnapen, nous n'avons pas besoin de « réinventer la roue » en matière de salaire minimum, car il existe déjà une loi qui prévoit un seuil minimum pour le salaire, fixé actuellement à Rs 11,075. « Cette loi a été positive, car elle a permis de lutter contre le sous-paiement des travailleurs, notamment dans les secteurs informels », dit-il.

Il concède que le salaire minimum est sujet à des facteurs externes, dont l’inflation importée et qu’une révision s’impose. « Tous les ans, il y a un ajustement du pouvoir d’achat à travers des négociations tripartites pour une compensation salariale pour remédier à la perte du pouvoir d’achat et contrecarrer l’inflation », indique-t-il.

Le 'Living Wage'

Le leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam a réitéré son engagement d’introduire un salaire décent (« living wage ») et de rétablir le pouvoir d’achat s’il revient au pouvoir.  Mais quelle est la différence entre un salaire décent et un salaire minimum ? Voici les explications de Takesh Luckho : « Le salaire décent prend la forme d’autres allocations en termes de bons d’achats ou de subsides. Il permet aux personnes de vivre dignement quand l’inflation est élevée et prend en compte la cherté de la vie et le panier de la ménagère, donnant ainsi plus de pouvoir d’achat aux consommateurs. En revanche, le salaire minimum n’est pas indexé sur l’inflation ».

Selon lui, l'introduction d'un salaire décent est tout à fait réalisable, car c'est une politique qui avait déjà été mise en place dans les années 80-90. Il considère que cette mesure est intéressante pour les consommateurs dans la présente conjoncture où l'inflation est supérieure à 10 %. De plus, il estime qu'il est nécessaire d'augmenter la pension, car il ne serait pas normal que celle-ci soit supérieure au salaire minimum.

Navin Ramgoolam, indique-t-il, propose un salaire minimum de Rs 20 000, ce qui aura un impact économique important. Cependant, cela doit être mis en place progressivement pour éviter la fermeture des PME, qui sont des pourvoyeurs d'emplois. Le « living wage » peut être une solution temporaire pour les périodes d'inflation élevée.

Bannir la Contribution Sociale Généralisée (CSG)

Roshi Bhadain, leader du Reform Party, a formulé dix propositions parmi lesquelles figure l'abolition de la CSG. Toutefois, la faisabilité de cette proposition demeure incertaine.

L’économiste Manisha Dookhony explique que cette formule, inspirée de la France, agit un peu comme une taxe. « Selon l'économiste Manisha Dookhony, la formule de la CSG, inspirée de la France, fonctionne comme une taxe visant à résoudre le problème de pension. Bien qu'elle ne soit pas appelée une taxe, elle a un effet similaire en augmentant le coût de production des entreprises. Les montants varient selon les secteurs d'activité », précise-t-elle.

Selon notre interlocutrice, il sera difficile d'abolir la CSG, car elle rapporte beaucoup d'argent à l'État, plus de Rs 100 millions l'année dernière. « Pour supprimer la CSG, il faudrait trouver une alternative pour renflouer les caisses, ce qui pourrait être sous forme d'une augmentation de la TVA ou de l'impôt sur le revenu, entre autres. Toutefois, ce projet est réalisable, mais il doit être couplé avec d’autres alternatives, comme diminuer les dépenses de l’État ». 

Extension du métro vers le Sud

Le Premier ministre, Pravind Jugnauth a annoncé la mise sur pied d’un système de transport moderne et efficace dans le pays. Il a évoqué l’extension du Métro Express de Curepipe à La Vigie et vers le sud de l’île. 

Bhavish Jugurnath suggère de réaliser une étude de faisabilité pour déterminer si cette extension serait bénéfique. Il estime qu'une analyse coûts-avantages est nécessaire pour évaluer la viabilité du projet. Selon lui, étant donné que le métro dessert déjà Port-Louis, l'extension vers le sud, notamment vers l'aéroport, serait un ajout important et bénéfique.

Cependant, il souligne qu’il faut absolument considérer l’aspect financier d’un tel projet, étant donné que la dette publique a déjà dépassé les 80 %. « On peut venir de l’avant avec un Special Purpose Vehicle pour le réaliser, mais encore une fois, il est important de savoir d'où proviendrait le financement », affirme-t-il.

 

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