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Agression d’un élève du MITD : au-delà de la prévention, un «signal fort» réclamé

Jacques Malié, Harrish Reedoy et Basheer Taleb.

Depuis quelques jours, une vidéo en circulation sur la Toile n’a pas manqué d’en choquer plus d’un. On y voit un élève du Mauritius Institute of Training and Development être roué de coups par d’autres. Ce qui a suscité de vives réactions, surtout des parents qui se disent consternés. Pour les acteurs du domaine, l’heure est aux sanctions. 

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Rien n’y fait. Il semblerait que les campagnes de prévention sur le « bullying » et la violence en milieu scolaire n’aient guère les résultats escomptés. Plusieurs cas ont été enregistrés ces derniers mois. Le dernier en date fait le tour des réseaux sociaux en ce moment. Une vidéo contenant des images choquantes montre l’agression d’un élève d’un centre de formation du Mauritius Institute of Training and Development. 

Il est roué de coups par d’autres élèves alors qu’il est assis dans une salle de classe. Ses assaillants lui infligent des coups de poing et des gifles à tour de rôle. L’un d’eux va jusqu’à lui donner un coup de pied dans le cou. La vidéo a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux car les actes sont d’une rare violence. 

Cet énième cas vient mettre à mal l’efficacité de la prévention. Si Jacques Malié, ancien recteur du collège St-Esprit et pédagogue, estime que la prévention peut aider à diminuer ce type de comportement, il pense toutefois que des sanctions disciplinaires doivent tomber pour exercer un effet dissuasif. « Cela se passe dans plusieurs institutions. La prévention elle-même ne décourage pas. Certains élèves n’ont pas peur, sachant qu’il n’y aura pas de retombées, hormis une petite réprimande », explique-t-il. 

Pour lui, il est temps d’envoyer un signal fort pour mettre un frein aux cas de harcèlement et de violence en milieu scolaire. « Les enfants n’ont peur de rien. Il faut être sévère et punir. Il n’y a pas d’autre issue. Il faut même en renvoyer certains si nécessaire. Je regrette d’avoir à dire cela. Mais le fait de savoir qu’ils peuvent être mis à la porte poussera les autres à bien réfléchir avant d’agir », explique Jacques Malié. 

Il trouve dommage de devoir tenir de tels propos, mais il estime qu’on ne peut pas continuer à tolérer ceux qui gâchent l’environnement scolaire. Il regrette d’ailleurs que les retenues après les heures de classe et les « saturday arrests » aient été « banalisés » voire carrément jeté aux oubliettes au sein de plusieurs établissements, faute de ressources et à cause de contraintes administratives. 

Pour Harrish Reedoy, président de la United Deputy Rectors and Rectors Union, les cas de harcèlement et de violence ne sont que le reflet de notre société. Il fait ressortir que cela ne se passe pas uniquement dans le milieu scolaire mais également dans les autobus ou encore à la gare, entre autres. 

« Si aujourd’hui on arrive à savoir ce qui se passe, c’est parce qu’il y a des vidéos qui sont en circulation sur les réseaux sociaux. L’aspect dangereux dans leur diffusion sur la Toile est que l’affaire prend souvent une tournure communale », se désole-t-il. 

Harrish Reedoy ajoute qu’il faut agir avant qu’il ne soit trop tard. « Les autorités et tous les acteurs du secteur éducatif doivent s’assoir autour d’une table. La ‘behaviour policy’ doit être revue », dit-il. Il précise que dans de nombreux cas, les élèves impliqués n’ont pas un encadrement parental, étant issus de familles brisées ou vivant avec leurs grands-parents qui n’ont aucune autorité sur eux. 

Le président de la United Deputy Rectors and Rectors Union estime que les parents aussi ont un rôle à jouer. Il regrette que certains ne trouvent pas suffisamment de temps à consacrer à leurs enfants. « Quand on convoque des parents, il y en a qui disent qu’ils sont occupés et qu’ils ne viendront pas. Il faut peut-être introduire des règlements, comme cela se fait à l’étranger, pour obliger les parents à se rendre à l’école de leurs enfants s’ils sont convoqués, sous peine d’écoper d’une amende s’ils ne répondent pas présent », suggère-t-il. 

Cependant, Basheer Taleb, président de la Federation of Unions of Managers of Private Secondary Schools, prévient qu’il ne faut pas généraliser les cas de violence. Il précise qu’il y a des circonstances menant à cela. « La violence s’exprime davantage au niveau des plus jeunes, notamment ceux de l’Extended Programme qui sont âgés de 12 à 15 ans. Autrefois, cela concernait des élèves de 17 à 18 ans », affirme-t-il. 

Basheer Taleb ajoute que c’est « la frustration » qui en est à l’origine. « En obligeant ces enfants à suivre des cours académiques, on suscite de la frustration en eux tout au long de la journée. Il y a des conflits avec ceux du ‘mainstream’. Ils s’expriment à travers la violence. » 

Ce qui le pousse à penser que l’Extended Programme doit être amendé. « Il faut offrir des cours comme des travaux manuels (menuiserie, plomberie et électrique) avec une dose d’aspect académique. Sinon, c’est anti-pédagogique et irréaliste », dit-il.

Une mère de famille déplore le manque de réactivité des autorités 

Difficile pour Nansha Bholah, qui est maman d’un adolescent, de rester insensible aux vidéos montrant des élèves victimes de violence par leurs pairs. Quelques semaines de cela, cette life coach, qui travaille également dans le secteur financier, avait porté plainte à la suite du cas d’un élève victime de harcèlement sexuel. 

Elle avait porté l’affaire à la Cybercrime Unit et à Cert-MU. « Je n’ai même pas eu une réponse. C’est silence radio. On aurait pu avoir la décence de m’appeler. Au lieu de cela, les autorités font la sourde oreille. Depuis, il y a eu d’autres cas. Je ne sais pas à quelle porte frapper car il y a un manque de proactivité des autorités », s’indigne cette mère de famille, ajoutant que ce n’est pas ainsi qu’on résoudra ce problème

Le plus grand nombre de cas recensé en secondaire 

Depuis 2019 à juillet de l’année dernière, 229 cas de harcèlement (taquinerie, intimidation et cyberintimidation, entre autres) ont été signalés dans les établissements secondaires. Dans le primaire, 83 cas ont été recensés durant cette période. Lors d’une intervention à l’Assemblée nationale en juillet dernier, la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, soulignait qu’en quatre ans, 139 cas de violence physique, 141 cas de violence psychologique et 32 cas de violence physique et psychologique avaient été enregistrés.

La Student Behaviour Policy 

Au niveau du ministère de l’Éducation, les cas de violence physique et psychologique sont jugés sérieux. Un soutien est offert aux victimes à travers des Student Care and Counselling Desks. Les agresseurs ont aussi droit à un service d’écoute. Le National Education Counselling Service (NESC) travaille avec les responsables des établissements pour proposer des stratégies en vue de favoriser le bien-être des élèves. 

En sus de cela, la Brigade pour la protection de la famille et des psychologues du NESC organisent souvent des campagnes de sensibilisation sur les conséquences de la violence sur la performance d’un enfant à l’école.

 

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